Dans mes 3 précédents articles, je vous ai fait découvrir une «tranche de vie» interprétée sous le prisme du Développement Personnel. Dans ces articles et les commentaires laissés par les participants, nous parlons beaucoup de psychologie, qui tient un rôle central dans le coaching :
Nos actions présentes sont conditionnées par les évènements passés.
Ce qui signifie que nos actions futures seront conditionnées par les évènements présents.
L’un des principes du coaching (qui se préoccupe davantage du présent et du futur), est d’utiliser la psychologie, non pas pour soigner les blessures (rôle de la thérapie,) mais plutôt pour les éviter, puisque nous avons assez de recul sur ce qui pourrait nous affecter en profondeur. Dans les articles récemment publiés, deux courants psychologiques sont principalement exploités :
- La psychologie comportementale (ou béhaviorisme) qui s’intéresse aux comportements observables et mesurables, et propose des outils orientés comportement.
- Le constructivisme qui propose des techniques orientées perception. Elle étudie la représentation que chaque individu construit en fonction des évènements, et propose d’autres grilles de lecture (notamment grâce au recadrage).
Dans l’histoire du taxi, si vous considérez que face à l’agression verbale du chauffeur, la réaction de Karine était légitime, mais qu’elle aurait pu prendre tout ça moins à cœur, et oublier l’incident en 2 minutes, vous êtes plutôt constructiviste. A l’inverse, si vous considérez qu’il est impossible de réagir autrement face à ce genre d’individu, et que Karine a eu une «réaction normale», vous êtes plutôt béhavioriste : l’agression du chauffeur était le «stimulus» et la «réponse» de Karine était prévisible, voire inévitable… Comme un réflexe !
Attention, je simplifie ! Les béhavioristes ne font pas abstraction de l’individu. Ils considèrent simplement que si on tient compte de la personnalité de chacun on ne peut pas avancer dans l’étude. Cette vision, malgré son côté radical, a apporté beaucoup de solutions en matière de psychologie comportementale. Elle permet entre autres, lorsqu’on l’associe à d’autres sciences humaines d’évaluer des probabilités comportementales.
Les solutions béhavioristes consistent à employer des modèles comportementaux connus pour obtenir les résultats escomptés. Le constructivisme est venu compléter le béhaviorisme (souvent en s’y opposant) en plaçant l’individu et sa perception au cœur de la stratégie. L’Intention, l’Intuition, le Relation établie (la Confiance, par exemple) entrent davantage en considération dans les techniques constructivistes.
Les solutions constructivistes proposent à l’individu de penser et de ressentir les choses autrement que le «commun des mortels». Les techniques consistent à construire différentes réalités, et d’en choisir une dans laquelle nous allons nous comporter de façon cohérente, en accord avec la «construction».
Pour simplifier et imager, disons que le béhaviorisme est une science, alors que le constructivisme est un art. S’opposent-ils vraiment ? Je ne le pense pas. Je pense qu’ils font cause commune, et que l’un est au service de l’autre alternativement.
Lorsque j’ai répété à mon fils «ce n’est pas de ta faute !» (après avoir mis le doigt sur la gravité de l’oubli), j’ai utilisé une technique constructiviste : j’ai décidé de changer ma perception (et la sienne), reconnaissant que le coupable n’était pas forcément l’auteur des faits. Je pouvais donc le réhabiliter malgré la gravité exprimée. Dans les commentaires de cet article, vous m’avez proposé une autre approche : relativiser la gravité des faits. C’est également constructiviste, et donc un choix de perception. Sauf si… Sauf si, vous considérez qu’il n’y avait pas d’autres comportements possibles ! Que le choix «ce n’est pas grave, on s’en remettra !» est la seule vérité ! Dans ce cas, vous êtes dans le béhaviorisme radical : un stimulus=une seule réponse possible.
Lorsque j’ai proposé à Karine de préparer une enveloppe «spéciale-taxi» avant de partir (comme elle pense à sa brosse à dents ou aux billets de train), j’ai choisi une solution béhavioriste (comportementale). Vous remarquerez que j’ai d’abord tenté une approche constructiviste, en lui disant à propos des taxis :
– Tu sais très bien qu’ils ne sont pas tous comme ça…
Puis :
– Aïe ! Tu es en train d’ancrer une mauvaise expérience !
Mais elle n’arrivait pas à relativiser… Ce n’était pas une solution pour elle, à ce moment là. J’ai donc suggéré une technique comportementale qui permet d’éviter l’incident dans le futur, et donc de retrouver une certaine assurance, le temps de construire une nouvelle réalité (Houria a participé à cette construction, démontrant à Karine qu’un chauffeur de taxi pouvait être une belle personne ;-)).
Je sais donc me montrer béhavioriste quand c’est nécessaire, mais je suis plutôt constructiviste. C’est pourquoi j’aimerais, pour conclure ces 4 épisodes, vous parler d’un responsable invisible dans l’incident. On ne peut pas lui faire porter le chapeau, mais il mérite au moins un bonnet d’âne !
Ce responsable invisible, c’est votre humble serviteur :
Lorsque Karine a exprimé son malaise face à la violence verbale qu’elle venait de subir, je me suis occupé exclusivement d’elle, laissant mon fils ruminer les évènements tout seul dans sa chambre… Pourquoi ? Parce qu’elle a exprimé ses émotions, alors que lui, ne semblait pas être affecté.
Nous avons tendance à nous occuper des personnes qui s’agitent ! Et très peu de celles qui restent immobiles. Et pourtant, il est très possible qu’elles aient besoin d’aide. Je n’y ai même pas pensé ! L’idée que je me faisais de la détresse de Karine, canalisait toute mon Energie…
Ainsi, la démarche constructive aurait été d’envisager AUSSI un impact négatif du «terroriste» sur l’enfant autant que sur la mère, et d’en discuter avec lui ou de le faire participer à la discussion. De s’assurer que son silence n’est pas un mutisme dû à un mal-être.
Dans le cas où aucune blessure n’est remarquée, je peux le féliciter pour ses actions rapides et efficaces : attribuer une «médaille» au héros pour récompenser son action, même si lui, la trouve «normale». Je ne l’ai pas fait ce soir-là… Pourtant, je connais cette propension naturelle qui consiste à s’occuper prioritairement, et parfois exclusivement des personnes qui s’expriment…
Bonnet d’âne, je vous dis !
Voilà pourquoi, dans un moment d’éveil (malgré ma colère et ma frustration d’avoir perdu quelque chose de précieux), j’ai construit une nouvelle réalité dans laquelle j’étais responsable des évènements, et ce, malgré mon absence dans le lieu où l’objet a été perdu.
De même, je me suis senti acteur dans la restitution de l’objet, de part l’attitude spirituelle que j’ai adoptée.
Proactivement vôtre,
Stéphane SOLOMON
Bonsoir Stéphane,
Je dois dire que j’avais un peu laissé comme toi ton fiston dans le premier taxi.
Et pourtant quelle violence de la part de ce taxi qui ne propose ni plus ni moins que de prendre un enfant en otage contre le prix d’une course ! Il n’a pu qu’être choqué. Paradoxalement, la réaction de Karine à ce moment là, qui propose en quelque sorte un échange d’otage, l’a peut être renforcé dans l’idée que c’était “normal” d’avoir un otage humain contre le prix d’une course. Dur dur ensuite de réagir avec l’esprit clair dans une situation qui a première vue semble analogue.
Boudiou, c’est souvent compliqué de réagir “comme il faut”, de réaliser quand ce n’était pas le cas, d’être capable de revenir analyser tout ça et essayer de corriger le tir… Heureusement, Freud nous a gentiment dit qu’une mère parfaite était en quelque sorte la pire des mères et qu’il faut bien que nos enfants utilisent aussi sur nos défauts pour se construire. Dans le cas présent “mère” est un mot générique pour parent, mais aussi pour ami, frangin, patron, collègue… Je me raccroche souvent à ça faute de mieux faire 🙂
Responsable mais pas coupable en somme. Ou alors transfert de responsabilité ? le responsable invisible plutôt que le coupable invisible ?
Je te trouve quand même bien “sévère” avec toi-même dans cette conclusion. Je te trouve plutôt consolateur et compréhensif alors même que tu as quand même bien cru perdre ton doudou électronique 🙂
Ton texte est dense et demande relectureS. Ce n’est pas grave, on s’en remettra ! (on s’y remettra plutot).
Florence,
Si j’utilise le mot «terroriste» du quotidien», ce n’est pas pour rien. Ceux qui subissent des harcèlements moraux et des manipulation toxiques le savent : le discernement est faussé. En cela, les techniques béhavioristes sont de bonnes solutions, car on fait ce qu’il convient de faire ! Par exemple, les pays démocratiques ont tous une ligne de conduite : ne pas céder au terrorisme. Mais pour le terrorisme quotidien, contre lequel nous sommes moins bien armés, le constructivisme n’est pas en reste car il suffit de comprendre que l’agresseur vit «dans un autre monde», ce qui t’invitera à mieux protéger le tien.
Pour construire ton monde et bien le protéger, la solution du coaching consiste à définir tes objectifs avec clarté.
Le paradigme «responsable mais pas coupable» est très mal perçu depuis que Georgina DUFOIX l’a utilisée face à des parents déchirés… Je pense qu’il y a des situations où il est préférable de garder ce genre de pensée pour soi. Ca permet de se protéger sans blesser les inconsolables.
En ce qui concerne la «sévérité» avec moi-même, dans le cas ou ce serait effectivement sévère, je te répondrais que c’est parfois nécessaire. J’ai même failli aller plus loin en qualifiant la première réaction que j’ai eux envers mon fils de «terrorisme du quotidien», mais j’ai effacé ce massage, certainement par indulgence envers moi-même ;-).
Mais lorsque je me sens responsable de ma vie, de la protection de ma famille, de l’éducation de mes enfants… Je ne ressens plus aucune sévérité envers moi-même. Je trouve même ça bon ! Ca m’ouvre plein de perspectives pour «la prochaine fois».
A++
Stéphane
Bravo Stéphane pour cette brillante analyse qui explicite avec brio ma réaction… behaviouriste. Je n’osais pas aller sur le terrain de la philosophie mais si tu le fais… j’en profite.
En effet; en la matière la question est : existe-t-il une vérité “innée” que nos comportements et nos expériences permettent d’approcher pour construire notre personnalité ? ou à l’inverse est-ce l’Homme qui est la mesure de toute chose (Nietzsche) ? Je ne nie pas l’intérêt du contructivisme qui est, on le voit ici, particulièrement séduisant. Cependant une application abusive de ces concepts aboutissent à ce que certains appellent aujourd’hui “la culture de l’excuse” au nom de laquelle il n’y a plus ni responsabilité ni responsable, il n’y a que des perceptions individuelles qui tiennent lieu de vérité.
Je me demande ce qu’en penserait un croyant (que je suis) ou un homme d’église 🙂 Il faudrait à l’occasion poser la question…
En attendant cette théorie (et son prolongement relativiste) aujourd’hui largement exploitée voire dévoyée (notamment par les disciples de Marx) est un véritable cancer qui ronge notre société. Voila ! J’arrête là mais je suis content que nous ayons pu échanger sur ce sujet et te remercie de l’avoir abordé de façon aussi claire…
Amicalement,
Fabrice
Bonjour Fabrice,
Je suis un adepte de Nietzsche. Te connaissant, je suppose que tu aimes cette citation :
– Celui qui a un pourquoi qui lui tient lieu de but, de finalité, peut vivre avec n’importe quel comment !
Je crois que c’est le premier à avoir minimisé l’importance du COMMENT face au POURQUOI (sauf si on se réfère à la bible où le POURQUOI ultime démontre – je me place en croyant – que le COMMENT apparaît après…).
Je suppose que ce que tu crains, c’est qu’on se serve de mon article pour se déresponsabiliser de tout, ramenant toujours le problème aux «coupables invisibles»… C’est effectivement un risque d’interprétation ! Mais si on se réfère à ma conclusion, elle démontre qu’un adulte responsable a toujours le dessus sur les coupables. Cet adulte peut agir en amont comme en aval. Ce qui mène vers ces actions porte un nom : Développement Personnel.
A++
Stéphane
Bonjour,
“L’homme est la mesure de toute chose” viendrait plutôt de Protagoras, souvent classé comme sophiste, considéré comme l’un des premiers relativistes, ce qui n’est pas évident: il faudrait se référer au contexte d’énonciation de cette phrase pour l’affirmer!
En ce qui concerne Nietzsche, avec le surhomme, il se place justement au delà et après la morale, “par delà le bien et le mal”.
Pour les question du pourquoi et du comment, elles étaient particulièrement liées à l’époque de ceux qu’on appelle les présocratiques (les penseurs avant Socrate), dont Thalès qui fut le premier à recherche un principe (arche en grec ancien) expliquant le monde, la nature, en ce moment où philosophie et science n’étaient pas encore séparées.
Bonjour,
En lisant votre article (avec du retard) et en renversant sa logique, je m’aperçois en effet que notre attention se focalise plus facilement sur ce qui bouge, ce qui dépense de l’énergie (même quand il s’agit de brasser de l’air) plutôt que sur ce qui semble inerte, silencieux… au point de pouvoir passer à côté de véritable trésor ! Tout ça pour dire que nos sens sont de véritables dictateurs…