Rien ne dure 5 minutes
Jeudi dernier, j’avais rendez-vous avec Stéphane à 14h, via Skype Vidéo.
À 14h03, je reçois ce message écrit : “14h10…”. Je comprends par ce nouvel horaire qu’un léger contretemps est apparu. Parfait, je file me préparer un café et je profite de ce temps supplémentaire pour lire quelques lignes de mon livre en cours, Les 7 Lois du Changement de Maxime Coignard.
La sonnerie de Skype me sort de ma lecture et tout en acceptant l’appel, j’observe l’heure : 14h20.
Il l’a encore fait !
“Voyons, Stéphane, pourtant tu sais bien que rien ne dure 5 minutes !”
Bon, je reconnais, ça m’arrive souvent aussi… et je suis certaine que cela vous arrive à vous également :
- J’en ai pour 5 minutes !
- Attends 2 secondes, j’en ai pour 5 minutes et j’arrive !
Reconnaissez que cette dernière est magique : à sa seule lecture, tout un chacun sent bien qu’il y a poisson sous cachalot (ou anguille sous roche, au choix !)
Nous avons tous tendance à dire ces phrases et à plus ou moins y croire !
Mieux, nous nous le disons aussi à nous-même :
- Je le ferai quand j’aurai cinq minutes
- Je ferai ça à l’occasion
- Je le ferai au passage
Le Time Log (ou le journal du temps)
S’il fallait vous convaincre, vous pouvez vous auto-évaluer avec la technique du journal du temps (Time Log). C’est tout simplement une grille découpée en tranche horaire. Le principe est de reporter chaque activité terminée ainsi que sa durée au fur et à mesure que la journée se déroule. Vous pouvez utiliser un code couleur pour chaque catégorie (loisir, travail, administratif, transport, tâche ménagère,…) ou tout autre technique qui vous convient. Le soir, vous pourrez ainsi observer précisément ce que vous avez fait de votre temps et à la fin de la semaine, vous aurez une vision plus claire sur le contenu et la durée de chaque catégorie et de chaque activité.
Il s’agit d’un état des lieux de l’utilisation de votre temps. L’idée n’est pas de se juger mais, grâce à ce constat objectif et palpable, de mieux se connaitre. Ensuite, si besoin, il est possible de mettre en place une rééducation. Cette photographie des habitudes est comparable notamment à celle que l’on fait avant de débuter un régime alimentaire : les personnes notent sur un carnet tout ce qu’elles mangent dans une journée de manière exhaustive et sur plusieurs jours. Ensuite, le nutritionniste peut mettre en évidence les catégories : calories, glucides, lipides, protéines,… Fort de cette prise de conscience des quantités ingérées une rééducation alimentaire peut débuter.
Dans le cas présent, tenir un journal du temps aurait pour objectif une prise de conscience que “Oui, c’est vrai, rien ne dure jamais 5 minutes !“. Enfin, sauf pour les toutes petites tâches que vous maîtrisez parfaitement parce que vous les avez exécutées des centaines de fois, comme sortir le lave-vaisselle, aller chercher le courrier, arroser les plantes du bureau… Elles sont tellement automatiques que vous pouvez les exécuter tout en pensant à autre chose (c’est une bonne façon de les reconnaître). Vous pouvez dresser une liste de ces «tâches sans surprise» (spécifiques à chacun).
Le temps caché
Mais en dehors de ces tâches dont la liste est plus ou moins grande selon votre expérience, il y a des actions qui nécessitent une bonne présence d’esprit, de l’inventivité et une capacité d’adaptation. Celles-ci, malgré des apparences simples, ne durent jamais 5 minutes.
Prenons l’exemple d’un e-mail à écrire. Facile ! L’écriture en elle-même est estimée à 5 minutes. Mais à moins d’avoir l’habitude d’écrire ce genre de courrier, vous verrez que la différence entre le temps prévu et le temps réel va vite se creuser : À différents moments, vous vous reprendrez pour vous assurer que votre correspondant comprendra ce que vous souhaitez lui dire. Puis vous constaterez qu’il faut ajouter un justificatif. Au meilleur des cas, vous l’avez déjà en version numérique dans un dossier. Mais s’il faut le numériser, ce temps viendra s’ajouter «aux 5 minutes» prévues. Puis vous vous direz qu’il est préférable de convertir votre document en PDF pour mettre toutes les chances de votre côté… Comme l’appareil sur lequel vous travaillez ne peut pas faire cette conversion, vous transférez le document sur un autre poste pour faire ce travail…
Enfin, au moment de l’envoi du mail, il se peut également que vous n’ayez plus l’adresse exacte de votre interlocuteur ou bien que celui-ci soit en vacances et vous devrez alors partir en quête d’un nouveau destinataire. Nous pourrions imaginer des contraintes extérieures : le téléphone sonne, un colis est livré, le chat vomit, la souris ne fonctionne plus… C’est le temps caché : il y a toujours du temps caché !
Mais alors, que faire ?!
L’erreur commise par notre subconscient est de considérer que l’unité temporelle pour une tâche est de 5 minutes. Ceci vient probablement du fait que nos horloges («à l’ancienne» dirait mon fils de 14 ans) divisent l’heure ou 12 unités de 5 minutes… Ainsi, si une tâche dépasse les 5 minutes prévues, nous passons à 10 minutes prévues, puis à 15 minutes, etc. Il est rare d’entendre «J’en ai pour 12 minutes !».
La clé, pour une bonne rééducation, est de considérer que l’unité temporelle de base n’est pas 5 minutes mais 20 minutes ! En d’autres termes, pour toutes ces tâches qui nécessitent de l’attention ou de l’improvisation, si vous n’avez pas 20 minutes devant vous, ne les exécutez pas immédiatement, et planifiez un vrai moment dans la journée où vous aurez ces 20 minutes.
Oui, mais et si j’ai fini en moins de 20 minutes ?!
Si vous avez bloqué 20 minutes pour écrire votre mail et qu’au final, en 12 minutes, c’est terminé, alors là, vous pourrez effectuer une action dont vous connaissez précisément la durée (une action automatique sans aucune surprise potentielle – je vous ai suggéré d’en faire la liste plus haut)
Et si j’ai une tâche qui, je pense, va durer 30 minutes ?
Dans ce cas, en appliquant le postulat que l’unité temporelle de base est de 20 minutes, il convient de bloquer 40 minutes pour cette tâche précise. Et, si son exécution dure effectivement 30 minutes (bravo, c’est bien évalué !), alors, vous pourrez piocher dans votre liste d’actions très courtes et sans surprise..
Mais, euh… et pourquoi 20 minutes ?!
Jusqu’aux années 90, pour les personnes formées à la Gestion Du Temps qui appliquaient les bonnes pratiques à la lettre, l’unité d’évaluation était de 10 minutes. Or, c’était une époque où les gens étaient volontairement moins polyvalents. Par exemple, les dirigeants et les cadres écrivaient rarement une lettre. Ils la dictaient à leur secrétaire qui se chargeait de gérer les détails chronophage. De plus, aujourd’hui nous sommes plus réceptifs aux interruptions potentielles : open-space, notifications diverses, téléphones portables… C’est comme si notre cerveau se disait en permanence «Sois attentif ! Il se pourrait que quelque chose sonne !». C’est pour cette raison que les personnes qui savent se déconnecter pendant quelques heures par semaine, sont beaucoup plus efficaces.
J’imagine que si j’étais seule dans un gite rural, sans attention particulière pour le monde qui m’entoure, j’aurais écrit cet article 2 fois plus vite ! Connaissant le problème, j’ai réservé 2 fois plus de temps que ce que j’ai imaginé au départ. Ça me permet de terminer sans stress…
Mais ça, c’est un autre sujet.
Isabelle
PS : Ce qui m’étonne de la part de Stéphane, c’est que lors de notre rendez-vous à 14h00, sachant qu’il entamait une tâche, il m’ait dit «14h10» au lieu de «14h20».
Serait-il resté coincé dans les année 90 ?
Amusante coïncidence: J’ai constaté que je sous-estimait mon temps d’un facteur 4, que ce soit pour une tâche simple ou un gros projet.
Bonjour,
Bonjour
Très intéressant et vrai.
Il s’agit de la loi de HOFSTADTER. “les choses prennent plus de temps que prévu, même en tenant compte de la loi de Hofstadter”
Bonne journée,
Très intéressant votre article, je vais tenter de mettre en place cette grille du temps, car les journées passent sans que je les voies passer ! Mais où donc file le temps? 🙂
Ce système permet effectivement un rapide et bon auto-diagnostic de la gestion du temps.
Ah oui quand même !
Merci Isabelle, je viens de prendre conscience de l’une de mes sources de frustration la plus fréquente.
Je n’avais pas compris à quel point les interruptions extérieures peuvent décupler le temps pris par une tache jusqu’à maintenant. Je travaille avec mon conjoint et je prends conscience de la différence d’efficacité selon que je travaille seule ou que nous travaillons à deux. Et je vois que ça a moins d’incidence sur lui. Pourquoi : parce que je me laisse distraite/interrompre dans mon travail bien plus que lui. Quand il est là, il a souvent un mail à me faire relire, une chose à me montrer pour avoir mon opinion… « juste une minute »…. merci !!! Ça me donne des clés.
Dire non à quelque chose (ou quelqu’un), c’est pouvoir dire oui à quelque chose de plus important sur le moment. Parfois difficile, souvent libérateur 🙂
Je sous estime toujours mon temps et après je me retrouve avec de nombreuses tâches restantes à effectuer alors que la journée est fini ! Après tout elle n’a que 24h ! Au travail c’est pareil ! Faut que je pense vraiment aux 20 minutes au lieu des 5 habituelles voir 1 !
Merci Isabelle pour vos conseils.
Excellent!!
Super merci Isabelle.
Merci Isabelle, pour cet article qui me parle.
J’ai été enseignante pour des designers qui étaient sensés matérialiser leurs idées ou concepts, pour avancer dans leurs études et surtout, vérifier si c’était faisable.
Je leur disais “envisagez plus de temps, même pour les choses que vous savez faire, pour ne pas être frustré ou dépasser la “dead line”.
Je ne savais pas qu’il y avait un rapport temps de 4, aussi connu, entre notre notre estimation et la réalité d’exécution.
A ce temps, j’aurais envie d’ajouter le temps de cuisson ou de repos (celui dont on parle dans les recettes de cuisine).
Si j’écris un mail, qui n’est pas dans de la routine, mais qui m’engage sur un point ou plus (dans le genre : courrier au syndic pour dire qu’une fois encore, la gouttière de la terrasse déborde sur la verrière du rez) Il vaut mieux que je prévoie une nuit qui porte conseil, avant d’envoyer le mail et donc dans ma programmation de tâche, il est judicieux de ré-envisager les 20 minutes au lieu de 5, le lendemain pour envoyer qqe chose de tout à fait satisfaisant.
Bien à toi,
Véronique Oh
Le temps, je n’aime pas me laisser diriger par lui et aime vivre le temps. Ces prévisions en minute ou grille m ennuient donc fortement et deviennent souvent des points de blocage et de refus de s y plier. Ma vision de la maîtrise du temps est donc un peu inverse. Bien entendu, je planifie, estime des charges, plutôt très bien même , d autant plus si cela impacte d autres personnes pour qui je sais que ma conception du temps et des retards est insupportable, mais cela me coûte et crée parfois une distance.
Si je me trompe dans le délai necessaire, c est sans doute que j ai procrastine, peut etre parce que ce n est pas le bon moment pour moi de le faire, ou que je n y accorde pas d importance.
Les tâches que j ai envie de faire, un dessin ou pourquoi pas un commentaire sur ce site, je ne les minute pas, je leur donne le temps qu’il faut.
Pour trouver du temps, j agis souvent à contre temps et profite d un reveil “trop tôt”, d une forme “trop tard” ou choisis de remplacer une activité par une autre.
Les retards des autres vis à vis de moi sont donc souvent des opportunités.
Du coup ton article, Isabelle me fait prendre conscience que n ayant pas de réelle difficulté avec la gestion du temps, je peux plutôt me focaliser sur l objectif de la tâche ou du rendez-vous pour renforcer ma motivation ou trouver une alternative.
Merci pour ce moment de réflexion.
Hum… Je réponds à ton PS :
Je ne suis pas resté coincé dans les années 90, mais je ne savais pas que tu savais que rien ne durait 5 minutes… Maintenant que je sais que tu le sais, je ferai plus attention !
Ce sera 14h20 ou 14h40…
Merci Isabelle,
Synchronicité! Je n’avais jamais envisagé de noter mon temps comme.j’aurais pu le faire pour un régime, mais clairement je me suis rendue compte du nombre de fois où j’allais consulter mon téléphone “juste une seconde” et que j’y restais bien plus longtemps! Le facteur 4 bien souvent dépassé… et la question que je le suis posée, du coups, était de savoir si la sensation de manque de temps n’était pas générée aussi par le fait d’être hyper connecté…
Je dérive mais c’est vrai que la question du temps, perdu/gagner, de sa gestion.. et une question qui me touche particulièrement ! Merci
Le smartphone créé des distorsions du continuum espace-temps, c’est certain !! À moins que ce soit de notre Responsabilité… :p
Oui, le fait d’être hyper connecté est un facteur qui peut compliquer la bonne gestion de notre temps. Un premier pas est d’en avoir conscience 🙂 🙂
Bonjour, Isabelle.
Il y a un petit biais, si on dit j’en ai pour 5 minutes c’est aussi pour ne pas se faire mal voir de celui qu’on va retarder…et avoir moins mauvaise conscience.
Merci pour cet article, je multiplierai donc.
Amicalement
Emmanuel
Et quand on se le dit à soi-même ?
Très bel article, merci Isabelle.
Le problème que j’ai eu l’occasion d’observer chez Stéphane, ce n’est pas trop le retard d’arrivée, c’est beaucoup plus le retard à la fin… et c’est vrai que la règle du x4 fonctionne : un webinaire d’1h dure en réalité 4h. Ok, j’exagère un peu ! 😉
Et si j’ai pu l’observer, c’est que je suis resté jusqu’à la fin, parce que c’était intéressant… donc merci Stéphane !
TRès intéressant! Je pense que je vais essayer le Time Log pour analyser ce que je fais de mon temps en détail.
C’est marrant parce que j’avais intuitivement trouvé une solution pour ne plus être en retard et c’était de rajouter systématiquement 15 minutes (qui se rapproche un peu de cette théorie des 20 min) au temps que j’avais prévu pour me préparer. Par exemple si je pense que je dois être prête à sortir à 13h pour arriver à l’heure, alors je fais tout pendant la préparation pour être prête à 12h45 et finalement ça me permet de sortir sereinement à 13h la plupart du temps ou alors d’être vraiment prête à 12h45 moins fréquemment… Mais j’ai aussi un problème avec le fait d’arriver à l’avance qui me met mal à l’aise car je préfère arriver à l’heure exacte mais je travaille dessus… 😉
Quand on prévoit de faire un travail, on ne prévoit que le temps de faire le travail.
Or le temps de faire le travail n’est que la moitié du temps nécessaire. Même dans les cas simples :
– la première moitié du temps, c’est pour préparer le travail,
– la deuxième moitié c’est pour le réaliser
– la troisième moitié c’est pour le terminer …
Dans les situations un peu plus délicates, il faut ajouter
– une ou plusieurs autres moitiés pour y penser correctement,
– quelques moitié pour chercher des renseignements ou des conseils
– encore quelques unes pour corriger les erreurs qu’on vient de faire
Et presque toujours
– une autre poignées de moitiés pour les interruptions
Alors …. foutez moi la paix
Je viens encore de passer une moitié en distraction à répondre à ce message.
Pile poil 20mn
bravo Isabelle
Bonjour et merci pour cet article très intéressant. Je sais que j’ai du mal à estimer mon temps. Que ce soit dans les tâches quotidiennes, dans mes transports, dans le boulot… Or maintenant que je suis dans l’informatique on me demande d’estimer le temps que telle tâche va me prendre et outre l’expérience (que j’ai très peu dans ce cas) , la tranche 20/30min me semble un bon départ pour apprendre à découper une grosse tâche et à affiner mes estimations par la suite. De même que découper le reste de ma journée de telle manière me permetra de faire plus de choses plutôt que de me laisser submerger et au final de ne rien faire.
merci pour ces super infos! je mets en place un diagnostic journal du temps pour arrêter les journées de 14 heures…
Et voilà…suite à de nouveaux programmes avec Stéphane, je retrouve cette page et l’excellent outil de décryptage de mon temps grâce au Timelog…
Merci !