Le pire ennemi de votre Leadership
J’ai failli intituler cet article «Le pire ennemi du Leadership». Mais dès que j’ai écrit ce titre, je me suis rendu compte que l’ennemi que j’allais présenter n’était pas une vague généralité, mais bien l’ennemi numéro 1 de tout un chacun… Voici donc le pire ennemi de votre Leadership :
L’indolence
Le terme a plusieurs définitions, mais elles se rejoignent toutes. Pour introduire le concept, j’aime utiliser le contexte médical qui distingue un soin indolore d’un soin indolent :
Un soin indolore l’est par nature : par exemple, poser délicatement une serviette mouillée sur le front d’une personne fiévreuse est indolore. De même, un examen comme une échographie est indolore de par son mode de fonctionnement non invasif. En revanche l’extraction d’une dent demande une anesthésie, sinon elle serait terriblement douloureuse ! En anesthésiant la dent, le dentiste va entrer dans une démarche indolente afin que l’opération soit indolore.
L’indolence est une action, un mouvement, une démarche, un protocole, etc. dont le but est d’éviter la douleur. On connait donc les douleurs potentielles et leurs origines, et on met en place tout un système qui épargnera la douleur au moment de l’action souhaitée.
Effets secondaires
Si j’aime cet exemple, c’est parce qu’il mène vers une autre définition de l’indolence : l’anesthésie assomme le patient ; avant de s’endormir et au moment du réveil, il est groggy… D’où la définition qui qualifie d’indolent, une personne molle qui manque de réflexes ou de réactivité. Dans le jargon populaire on qualifie ces indolents de «momolle». Ma compagne utilise l’expression «2 de tension»… Je ne sais pas si c’est une expression très utilisée, mais c’est parlant…
L’indolence et le coaching
En matière de coaching (et de psychologie de l’action), l’indolence est une Attitude. Elle se manifeste régulièrement dans le but d’épargner la douleur au monde… Attention ! La personne qui fait preuve d’indolence pourrait être très active, voire hyperactive ! Elle pourrait avoir bien plus d’idées, d’imagination et de dynamisme qu’un leader, mais ce sera dans le but d’éviter la douleur qu’une action «imprudente» pourrait impliquer. Rien à voir avec «momolle»…
Histoire : l’indolence de Lucie
Lucie voudrait se lancer dans la restauration et créer son propre restaurant. Elle en a parlé à beaucoup de gens, et il semble que bon nombre de personnes souhaitent la suivre dans cette aventure, que ce soit pour travailler avec elle, financer son projet, sensibiliser la clientèle, etc. Lorsque Lucie parle de cuisine et agit en cuisine, elle fait indéniablement preuve de Leadership ! Elle brille !
Avant de se lancer dans sa propre aventure, Lucie complète son talent par des formations et des stages. Durant ces stages, elle prend conscience du gâchis alimentaire qui la trouble jusqu’à la mettre mal à l’aise… La première fois qu’elle en a pris conscience, c’était suite à une erreur : elle travaillait en salle et a servi une salade à un client. 2 minutes plus tard, le client la rappelle et lui fait remarquer qu’il y a du fromage dans son plat, alors que sur la carte ce n’était pas mentionné dans les ingrédients. Il a choisi la seule assiette végétarienne et se retrouve avec du fromage… En ramenant le plat en cuisine, Lucie l’a mis de côté se disant qu’un autre client commanderait bientôt la même salade. Mais son patron lui a montré la poubelle du doigt… Elle a tenté de défendre sa cause en expliquant que le client n’a même pas goûté une olive, mais son patron lui a rappelé qu’il s’agissait de consignes d’hygiène (en France) : lorsqu’un plat est servi et que le serveur s’éloigne, le plat est considéré comme consommé, même si le client assure qu’il n’y a pas touché.
Cet incident fut la première douleur ressentie par Lucie, mais ça ne s’est pas arrêté là. Lorsqu’elle a commencé à travailler en cuisine, elle a constaté que le gaspillage alimentaire était énorme, et qu’à mesure que les gens progressaient dans ce métier, ils devenaient insensibles au gâchis. Pour se distinguer de cette masse, elle est entrée dans l’indolence, trouvant des parades (sur papier) pour chaque type de gâchis : entre les doggy-bags, les menus spéciaux pour végétariens, la formation des serveurs, les procédures de commande, les accords avec les associations d’aide aux défavorisés, les partenariats avec des agriculteurs locaux, etc., elle a monté un système parfait ! Grâce à elle, la planète allait cesser de souffrir !
A force d’élaborer des stratégies antidouleur, Lucie a négligé son Leadership. Elle est devenue irascible en exposant des idées qui étaient claires pour elles, mais qui n’avaient aucun sens pour l’équipe qui la soutenait. Son projet avait 50 ans d’avance sur son temps, et même avec un excellent leader, il aurait eu besoin d’au moins 10 ans pour se faire accepter progressivement. En d’autres termes, en début de projet, il fallait accepter de provoquer quelques douleurs… Beaucoup moins que les autres établissements qui ouvrent, mais le restaurant totalement indolore que Lucie voyait dans son idéal, ne pouvait être opérationnel ici et maintenant.
Le système de Lucie était certes parfait, mais pour le mettre en place, il aurait fallu construire un noyau fort autour duquel des options allaient se greffer au fur et à mesure. Un peu comme un smartphone neuf, prêt à accepter des applications et des mises à jour. Saison après saison, avec une Communication adaptée à un monde qui évolue, les idées de Lucie pouvaient venir se placer dans le projet global, soit de façon stratégique, soit en saisissant des opportunités.
Les meilleures idées ne sont pas forcément celles qui réduisent considérablement la douleur, mais celles que le monde peut accepter malgré l’effort. Par ailleurs, comme c’est le cas de tous les leaders, Lucie avait des idées tellement innovantes, qu’elles apparaissaient comme loufoques ! Ce qui signifie que les gens ne pouvaient y adhérer que par Leadership, c’est-à-dire en faisant Confiance au leader plus qu’à l’idée qu’il propose. Or Lucie était convaincue que ses idées se suffisaient à elles-mêmes, et était devenue incompréhensible auprès de son équipe. Sans Leadership, beaucoup d’entreprises sont vouées à l’échec !
Technique : une dualité à gérer
Dans l’épisode où je raconte le Bonheur de Neige, mon leadership consistait à créer un mouvement pour que chacun participe à l’œuvre qui allait ouvrir une nouvelle fenêtre sur le monde, dans l’esprit de Mamie… L’indolence aurait pu m’arrêter en me hurlant ceci :
- Ne fais surtout pas ça ! Tout le monde est tranquille dans ta maison, il n’y a que mamie qui râle. Elle n’a qu’à rentrer se lamenter chez elle !
- Si tout le monde sort par ce froid, quelqu’un pourrait attraper un rhume… Restons tous bien au chaud !
- Mamie a besoin de râler, ça lui fait du bien, c’est scientifiquement prouvé ! Ne vas pas changer ça. Qui es-tu pour manipuler ainsi une personne qui a décidé de déprimer et qui ne t’a rien demandé ?
Je peux continuer cette liste et proposer des dizaines de douleurs (petites et grandes) qui mettront fin à mon projet de «Bonheur de Neige» avant même de commencer. Il a donc fallu surmonter tout ça !
Ce qui est intéressant, lorsqu’on reconnaît l’indolence, c’est qu’on peut facilement l’identifier au moment où elle se manifeste et l’opposer immédiatement à une attitude sublime : le Leadership !
- Pourquoi vais-je bouleverser la tranquillité de ma famille, alors qu’il n’y a que mamie qui râle ? Par Leadership !
- Pourquoi vais-je sortir (et faire sortir ma petite équipe) en plein hiver ? Par Leadership !
- Pourquoi vais-je manipuler mamie qui ne m’a rien demandé et qui préfère déprimer ? Par Leadership !
J’ai donné 3 fois la même réponse, et pourtant, chacune de ces réponses est différente dans mon esprit, parce qu’elle s’oppose à une indolence différente… Les 40 citations sur le Leadership, choisies par Isabelle et publiées précédemment, représentent un excellent glossaire anti-indolence !
Si le pire ennemi de votre Leadership est votre indolence. Rappelez-vous que la réciproque est vraie : le pire ennemi de votre indolence est votre Leadership ! Plus vous en saurez sur le sujet, plus vous saurez gérer votre indolence en établissant des plans qui tiennent compte de la douleur que vous pourriez générer mais que vous saurez gérer, par Leadership.
A++
Stéphane SOLOMON
Très bel article. Je vois l’indolence autrement. Cela me permet de voir autrement l’indolence car si ces petites/grandes douleurs ne concernent que moi , je peux y aller mais dès qu’il s’agit d’éviter ces mêmes douleurs aux autres alors là oui. Je me dis que je ne veux pas leur imposer ce que moi je suis prête à assumer…
Souvent, même si je convaincue d’une idée, j’ai peur de la proposer, j’ai toujours peur de l’imposer, de déranger . Alors même que je ne me vexe pas si on la refuse.
C’est très intéressant !
Rappelle-toi que tu es ta première juge. Ce qui signifie que la douleur que tu envisages vient d’abord de toi. Tu imagines (en te jugeant) que tu vas provoquer de la douleur chez les autres. Mais ce n’est pas si sûr. Souvent il s’agit de projections de tes propres douleurs sur les autres.
Par ailleurs, qui sont ces autres ? Quoi que tu fasses, tu provoqueras de la douleur. Si tu veux ouvrir un restaurant dans ta ville, ça provoquera de la douleur chez les autres restaurateurs. Si je décide de créer un programme payant, ça provoquera de la douleur chez ceux qui ont envie d’y participer mais qui n’ont pas les moyens de s’inscrire…
Quoi que je fasse, la douleur est possible.
Mais le plus moche, c’est de constater que Lucie n’a pas ouvert son restaurant par indolence. Et pendant ce temps, alors qu’elle était pressentie pour alléger la souffrance du monde, le monde souffre d’un énorme gâchis.
Ca me rappelle un ami qui ne voulait pas licencier 3 personnes parce que ça lui paraissait trop douloureux de leur annoncer leur départ. La société a fini entre les mains d’un mandataire qui a fermé le boite et a mis 15 personnes au chômage. 6 mois plus tôt, en provoquant de la douleur chez 3 personnes, mon ami aurait pu conserver sa boîte et 12 emplois.
Indolence, indolence…
C’est très juste. En ménageant la chèvre et le choux, on fini par faire seulement du sur-place. Je m’en vais de ce pas méditer sur ce qui me fait peur.
Merci Stéphane !
Comment faire face à la réalité et ne pas fuir !
“le pire ennemi de votre indolence est votre Leadership ! ”
J’en fais une affiche de ce pas !
Un pas à la fois… Et en avant !
Adieu excuseS à 2 balles, dénis, et “m’oublier” par peur de ???
Merci pour ce grand coup d’éclaircissement !
Excellente journée
Mais, Stéphane, si le Leader ship calme la douleur, il peut engendrer l’indolence, hé hé..
Merci pour ce chouette texte.
Amicalement
Emmanuel
Par Toutatis devra donc être remplacé par “Par Leadership”, c’est quand même dommage de ne pas avoir un mot français pour désigner cette belle qualité …
Très belle article Stéphane ! L’histoire de Lucie me parle ! Je suis un peu comme elle, j’ai souvent des idées que je trouve géniales mais lorsque j’en parle je n’ai pas le soutient que j’attendais ce qui fini par me décourager et certains projets finissent abandonnés.
Le commentaire de Clotilde me parle également.
Bonjour Stéphane et Isabelle,
Lors d’un “Travail sur moi-même” avec un groupe, je me suis rendue compte que je suis très sensible aux peurs des autres, que je ressens inconsciemment. Comme je n’ai pas les même peurs, ou plutôt, je n’ai pas la même manière d’appréhender, de réagir, d’agir face à un problème, une douleur, une difficulté, je ne “vois” pas où se trouve la difficulté chez l’autre, pour suivre l’idée que j’émets et qui est une une solution parmi tant d’autre afin de dépasser le problème .
Je me sens incomprise, alors que jusqu’à présent, je ne voyais pas que ce sont les autres dont je ne comprends pas le fonctionnement, le pourquoi ils ont peurs d’avoir mal.
Merci pour ce très bel éclairage sur l’Indolence
Voilà une perspective très intéressante. Je n’avais jamais vu les choses sous cet angle.