Dame-Câlins
Aujourd’hui, c’était la journée internationale des câlins. Aussi, ai-je résolu de marquer le coup, en en faisant plus que d’habitude… Comme je vous l’ai déjà écrit, ces journées spéciales où de nombreuses personnes décident d’agir dans le même sens, peuvent avoir un bel effet sur votre motivation. Lors de la journée mondiale du don du sang, il y a beaucoup plus de dons que le reste de l’année. Rien que l’effet d’annonce est déjà stimulant ! On s’y prépare, et on se lance !
Donc ce matin, après la distribution de câlins familiaux, j’ai déposé ma fille à la maternelle. En entrant, j’ai trouvé Maryline, fidèle au poste, en train d’accueillir les enfants (et les parents), comme chaque jour.
Qui est Maryline ? La première fois qu’elle m’a été présentée, c’était il y a 8 ans lors de l’entrée de mon fils en maternelle : la Directrice, qui était également institutrice de sa classe, a fait une réunion d’information pour les parents qui ne connaissaient pas l’école. Sa présentation était faite d’un ton très sec et très dur. Ma compagne et moi, nous nous regardions inquiets : c’est à cette personne qu’on allait confier notre petit bout’chou ?
Vers la fin de la réunion, la Directrice-Institutrice nous a lancé :
«Vos enfants doivent être propres. Ils ne sont plus à la crèche ! Vous devez également leur apprendre à se moucher. Je m’occupe exclusivement de l’enseignement. En cas d’incident de pipi ou «plus», il y a Maryline ! C’est elle qui s’occupe également des câlins si besoin…»
Elle pointa Maryline du doigt, tournant à peine la tête vers elle.
Je suffoquais, je fulminais… Une institutrice de maternelle qui délègue les câlins ! Beurk ! J’ai même pensé à changer de ville pour changer d’école ! Mais le regard de Maryline a changé le mien : tranquille, elle nous observait en souriant, d’un air de dire «rassurez-vous, je gère !».
Premier contact…
***
(La Directrice a fini par partir quelques mois plus tard. D’après les bruits de couloir, elle souffrait d’une dépression).
La deuxième fois qu’une personne a qualifiée Maryline en ma présence, c’était presque pire : il s’agissait d’un parent d’élève qui discutait avec une maman sur le trottoir qui mène vers l’école :
– J’vais pas pouvoir venir chercher ma fille ce midi. Tu crois que je peux la laisser ?
– Si tu veux qu’elle mange à la cantine exceptionnellement, demande à Maryline !
– C’est qui Maryline ?
– C’est la dame qui est à l’entrée…
– La p’tite grosse ?
– Oui
– Je croyais qu’elle était Dame-pipi !
– Elle s’occupe aussi des inscriptions à la Cantine…
– OK… J’savais pas ! Merci du tuyau.
Dame-pipi ! Je n’en croyais pas mes oreilles… Quel @&µ%# !!!
Remarquez, à ce moment-là, je pensais au métier qui consiste à nettoyer les chiottes des lieux publiques, après le passage des énergumènes qui ne savent pas viser… Mais en écrivant ce billet, je deviens un peu plus tolérant : je me dis qu’en changeant de regard sur ce parent, en faisant abstraction du côté péjoratif du terme, ça pouvait être une façon gentille d’identifier la délicate et généreuse quinquagénaire qui s’occupe de son fils lorsqu’il veut faire pipi, et qui le change et le console s’il s’y est pris trop tard.
Dans ce contexte, «Dame-pipi», ça pourrait même être le titre d’un poème !
Décidément, pour garder ma bonne humeur, il faut que je me rappelle que beaucoup de gens ne savent pas forcément communiquer, même si le cœur y est. Il y a bien une Dame-cantine à l’école, alors finalement, Dame-pipi, ça peut passer… Et si je fais un énorme effort, même «la p’tite grosse», pourrait être une façon affective de distinguer une personne.
Mais revenons à aujourd’hui : En déposant ma fille, je suis allé vers Maryline, et je lui ai annoncé de but en blanc :
– Maryline, aujourd’hui, c’est la journée Internationale de Câlins !
Aussitôt, elle afficha son meilleur sourire, et alors que j’étais prêt à échanger une belle accolade façon «free hugs», elle se dirigea vers ma fille et l’enroula chaleureusement de ses bras, mettant sa joue contre la sienne !
Je relance :
– Mais Maryline, je ne pensais pas à elle… Je pensais à moi ! Entre vous et ma fille, la journée internationale des câlins, c’est du lundi au vendredi ! Mais moi, j’ai juste droit à 2 bises pour la bonne année, puis à la fin de l’année scolaire…
Après 5 secondes d’hésitation, Maryline rougit et m’ouvrit ses bras.
***
Je peux vous dire que recevoir un câlin d’une personne qui a pour mission de câliner les enfants tous les jours, ça fait un drôle d’effet ! Cumulé à ma motivation de marquer la journée, ça m’a donné un sacré moral !
Merci Dame-Câlins…
A++
Stéphane SOLOMON
PS : je crois que je mérite mes galons d’auto-coach ! Et vous chers confrères ? Comment avez-vous marqué cette journée ?