Vers l’âge de 7 ans, j’ai dit à mon père que j’entendais des musiques dans ma tête. J’entendais du violon, du piano, de la guitare… C’était discret : comme cette petite voix qui vous dit fais ceci, fais cela (ou ne fais pas ceci, ne fais pas cela)…
Suite à un évènement remarquable (que je vous raconterai une autre fois), mon père décida de m’inscrire au conservatoire pour apprendre le piano. J’ai été reçu par monsieur DRACO ! Le chef du Conservatoire, qui avait un faible pour la rigueur…
J’ai suivi 2 cours mémorables, puis, après m’avoir presque refermé le capot sur les doigts en me délaissant pendant une heure au profit d’un petit génie, il dit à mon père qui vint me chercher :
– Votre fils n’est pas fait pour la musique !
Il l’a dit devant moi (sinon, je pense que son niveau de satisfaction aurait été moindre). Ainsi, un professeur de musique, Directeur de conservatoire jouissant d’une belle renommée locale, a brisé mon rêve de pouvoir un jour réaliser concrètement, ce que je concevais dans ma tête…
Cet incident a eu une portée qui dépassa le cadre de la musique. Durant longtemps, chaque chose que je voulais réaliser, restait dans ma tête !
Heureusement pour moi, mon père composait des chansons avec 2 doigts, et il n’en avait jamais honte. Au contraire : une fois ses musiques terminées, il faisait appel à des musiciens et des arrangeurs pour qu’ils écrivent les partitions et habillent ses œuvres. Il jouait avec ses deux doigts, les super pros prenaient des notes et exécutaient avec technique ce que mon père concevait avec génie.
Je crois que Monsieur DRACO a gratté davantage de partitions que mon père avait composées, que ses propres compositions. Je ne suis même pas sûr qu’il savait composer. En tout cas, il n’a pas su composer avec moi !
Parfois, en secret, lorsqu’il n’y avait personne dans la maison, je me mettais au piano, et je me réalisais avec deux doigts. En secret, parce que j’avais honte ! Je n’étais pas fait pour ça ! C’était une certitude absolue… Le maître en la matière a regardé mon père dans les yeux pour l’affirmer !
Mon histoire avec la musique, et en particulier avec le piano est assez tourmentée. Je pense que Monsieur DRACO y est pour quelque chose. J’étais trop petit pour savoir qu’il était possible de se servir positivement de son jugement. Je n’ai donc jamais vécu le plaisir de jouer devant les tatas et les tontons admiratifs. Mais j’avais des musiques plein la tête ! Et j’avais un modèle, mon père, qui m’a appris sans jamais me l’enseigner, comment faire pour réaliser ce qu’on conçoit, même si on n’est pas fait pour ça !
En regardant cette présentation de Benjamin ZANDER, j’ai été très ému. Pour plusieurs raisons :
- Il m’affirme tout au long que tout le monde est fait pour la musique !
- Il m’explique (à 13 minutes), que lorsque je compose une musique dans ma tête, j’ai quelque chose à exprimer. J’avais donc tant des choses à exprimer à 7 ans…
- Il me souffle, quelques minutes plus loin, que la musique est un moyen de faire la paix. En particulier, la paix intérieure.
- Il me raconte comment, à l’âge de 45 ans, après avoir été chef d’orchestre durant 20 ans, il est enfin devenu… chef d’orchestre : «j’avais réalisé que mon boulot c’est de créer des possibilités chez les autres», dit-il en agitant une baguette imaginaire.
- Il me donne sa définition du succès : «ça n’a pas à voir avec la fortune, la renommée ou le pouvoir. Ca a avoir avec le nombre d’yeux qui brillent autour de vous».
- Enfin, il décline pour moi, sous plusieurs formes une question existentielle qui mérite toute mon attention : «Qui suis-je pour ne pas être…?».
A bien y réfléchir, ne trouvez-vous pas que les gens qui disent qu’ils «ne sont pas faits pour…», sont finalement,très prétentieux ? Aussi prétentieux que ceux qui affirment ce genre de choses à propos des autres ! Et probablement, aussi malheureux que l’ombre qu’ils laissent dans leurs yeux…
En regardant cette vidéo la première fois l’année dernière, je me suis posé une question :
– Que se serait-il passé si, à l’âge de 7 ans, au lieu de rencontrer Monsieur DRACO, j’avais rencontré Monsieur ZANDER ?
Je ne regrette pas ma vie et je ne souhaite pas en changer. Mais je peux l’améliorer chaque jour. Qui suis-je pour ne pas améliorer ma vie ?
Améliorer sa vie, la rendre plus pétillante, est une belle musique. Et tout le monde est fait pour cette musique. Les yeux brillants, je vous propose de regarder cette vidéo, qui a transcendé plusieurs millions de personnes à travers le monde.
Musique Maestro :
Source originale : http://www.ted.com/talks/benjamin_zander_on_music_and_passion.html
Merci pour ce partage ! Superbe témoignage qui m’émeut beaucoup !
….
Joseph
Les yeux qui brillent autour de nous … une belle feuille de route.
Merci Stéphane, pour cette video.
Eric
This Ted is so inspiring! Voilà un homme qui inspire…!
Un des bienfaits d’Internet, nous avons accès à tout un tas de vidéo qui mettent en scène des personnes qui ont de si belles choses à transmettre!
Thank you for sharing! Merci d’avoir partagé ce lien!
À voir et à revoir
Euh pardon Benjamin, pas Ted!
Et un s à vidéos!
merci Stéphane, vous pouvez compter mes yeux à ceux que vous avez fait briller aujourd’hui!
merci
Splendide. La phrase sur Mandela et la comparaison avec la phrase musicale est inspirante. Voir loin, voir au bout de la phrase ; être porté par la phrase, la porter ; la vision et la portée qui superposent. Ne pas se focaliser sur la prochaine impulsion mais sur le phrasé.
A faire partager sans modération !
Tous les profs ne peuvent pas être comme lui mais il suffit parfois d’en rencontrer un seul aussi lumineux dans sa vie pour que tout change. A l’inverse, on se demande bien pourquoi certains ont choisi d’enseigner l’art…
Dans l’Art, il y a aussi des cochons 😉
Merci pour cette vidéo splendide, ou il y a beaucoup à apprendre ! Je vais la faire circuler.
Ton histoire avec le conservatoire m’interpelle pas mal… Je suis toujours autant révolté par la petitesse d’esprit qui caractérise tant de professeurs de musique classique. Et le pire c’est que ton histoire est loin d’être isolée : je ne sais pas combien d’enfant ont été ainsi privé de leurs rêves… et parmi ceux qui ont été jugé “fait pour”, combien sont devenus des musiciens frustrés, qui se sentent à poil dès qu’il n’ont pas une partition sous les yeux….
Je pense que sans doute tu n’étais pas “fait pour” le conservatoire : au conservatoire on n’a pas le droit d'”entendre des musiques dans sa tête”, on doit jouer les notes qui sont écrites sur la partition.
Heureusement, il existe d’autres manières d’apprendre la musique ; tu as sans doute trouvé celle qui te convenait par la suite.
J’ai moi aussi une histoire assez tourmentée avec la musique, j’ai navigué entre différents instruments, différents styles, différents modes d’apprentissages… je suis sur qu’on pourrait en discuter pendant des heures !
Amicalement
David
Je n’ai pas encore vu la vidéo, mais je suis ému par votre texte.
Vous parlez musique et il se trouve que je suis musicien de formation… mais je suis beaucoup plus sensible au jugement qu’il vous a été l’occasion de subir.
Je vais regarder la vidéo.
Mais avant, je voulais partager une expérience d’enfant, une expérience que je crois analogue à la votre.
L’analogie pour moi, réside dans le choc, dans l’affrontement qu’un enfant subit sans l’avoir demandé et sans être armé pour y répondre.
Lorsque j’étais pré-adolescent, j’ai été condamné par la médecine.
Il n’y avait que deux professeurs dans le monde dans cette discipline. L’un était américain, l’autre était français.
Ce maître en la matière médicale m’a donc dit un jour (en fait il parlait à mes parents mais j’étais présent) : “votre enfant doit être sous rein artificiel et il ne pourrai pas survivre à ses vingts ans”.
Oui, ce grand professeur de renommée mondiale a dit devant moi que je mourrai avant mes vingt ans….
Bon, pour l’anecdote, mon père a consulté 7 autres médecins et c’est un très vieux docteur à deux doigts de la retraite qui m’a sauvé la vie en m’envoyant boire de l’eau calcaire et tout à fait dégueulasse dans le cantal.
Je remercie encore aujourd’hui mon père pour avoir su dépasser la peur de perdre son fils. Le fils que je suis est maintenant grand-père…
Je devrais, selon l’un des deux meilleurs professeurs du monde, être mort depuis 35 ans au moins….
J’ai débordé du sujet mais j’avais envie de dire cela. Les jugements nous affectent et j’ai été affecté par cette condamnation pendant des années.
Il se trouve qu’en fait, j’ai vécu et j’ai été heureux, malheureux, hésitant, sûr… Enfin j’ai vécu.
Je vais maintenant aller voir la vidéo.
Merci Stéphane.
Je viens de regarder la vidéo.
Et je comprends ce qui est dit, je pense.
Les yeux qui brillent, je les ai observé chez les enfant s de maternelle à qui je devais enseigner la musique 🙂
Les propos de ce chef d’orchestre me font penser à un de ces enfants que les maîtresses avaient catalogué comme “foutu”, inadapté et trop lent.
Oui c’est vrai, il était plus lent que les autres.
Mais finalement, il arrivait parfaitement à assimiler la même chose que les autres…
Le corps enseignant le considérait comme débile. Moi, je le considérais comme un enfant qui prenait le temps d’apprendre la profondeur. Je ne sais pas ce qu’il est devenu, mais je suis certain qu’il vit aujourd’hui une vie en dehors de l’ordinaire.
Je ne fais pas de misérabilisme ou du sentimentalisme, je sais que cet enfant soit-disant “pas doué” avait de la profondeur.
Ce que la musique m’a appris, au delà des sons : personne n’a une mauvaise oreille. Mais personne non plus (à part quelques exceptions) n’ai appris à écouter. Personne ne chante faux lorsqu’il sait s’entendre chanter.
Et merci de nous aider, de nous inciter à écouter les fausses notes de notre vie.
Merci Stéphane pour votre travail.
Bonjour Stéphane,
Quel magnifique témoignage, Stéphane. Moi aussi, dans mon enfance/jeunesse, “on” m’a dit que je n’étais pas fait pour ci ou ça. Entendons-nous bien, j’ai eu la chance d’être élevé/éduqué par des parents merveilleux, ouverts mais avec leurs convictions, intelligents et surtout, profondément humains. Ils sont partis, maintenant. Mon père, il y a 20 ans, ma mère l’an dernier. Et, encore régulièrement, des personnes me parlent d’eux, de leur humanité.
Tout ça pour dire que, malgré tout, ils ont pu, à un moment ou un autre, inhiber une envie de métier (je ne parle pas ici de carrière). L’un d’entre eux : animateur radio. Et pourquoi pas ? Je jouais, avec mon magnétophone, à faire des émissions. Mais, ma très chère et magnifique mère m’a un jour dit que je n’étais pas fait pour ça. J’étais trop timide, pas assez de bagou.
Tant pis, j’ai fait autre chose. Et je ne le regrette pas. Les regrets ne serviraient à rien.
Nous, tous autant que nous sommes, touchés, à juste titre par votre texte, Stéphane, n’avons-nous pas, à un moment ou un autre, tenu ce genre de discours ? Emis un avis ? Porté un jugement ?
Alors, merci, Stéphane, de nous apporter ce témoignage qui nous amène à réfléchir, à essayer d’être meilleurs, même si nous restons Ô combien faillibles. Nous ne sommes que des humains, après tout.
Mais, prenons garde. Comme le disait mon psy : “Les mots peuvent tuer”. Physiquement ou moralement.
Hervé
Bonsoir Stephane et les time-coachers mélomanes
Si ce prélude de chopin vous a ému, écoutez donc cette bossa-nova,
enregistrée en 63 par Stan Getz, Luiz Bonfa, avec la chanteuse aveugle Maria Toledo (et d’autres)
http://www.youtube.com/watch?v=q5sMGsOz9SA
La mélodie est la aussi basée sur cette petite gamme descendante.
Et l’émotion dégagée est toute aussi forte…
Bonne écoute pour ceux qui découvrent cette merveille !
qu’il a lui même les yeux qui brillent !!! visiblement il y a échange et retour !!!
merci une fois de plus, Stéphane