Connaissez-vous l’histoire de cet homme qui cherche sa clé, en pleine nuit, en bas de son immeuble ? Les voisins défilent, jettent un coup d’œil aux alentours, et ne trouvant rien, lui souhaitent «bon courage» avant de rentrer chez eux…
C’est alors qu’intervient son voisin de palier, et un dialogue s’engage :
– Comment la clé a-t-elle été perdue ?
– Elle a glissé de ma main au moment où je tentais de la saisir
– Étiez-vous en mouvement lorsque la clé vous a échappé
– Oui, j’étais en train de marcher
– Avez-vous entendu la clé rebondir ?
– J’ai entendu 2 ou 3 rebonds
La recherche continue de façon plus méthodique, grâce aux réponses données. Mais la clé reste introuvable. Le voisin reprend ses questions :
– Où étiez-vous exactement lorsque la clé est tombée ?
– J’étais là bas, au début de l’allée !
– Mais alors… Pourquoi cherchez-vous votre clé 50 mètres plus loin ?
– Parce que là bas il fait trop noir, je ne trouverai jamais rien. Alors qu’ici, je suis éclairé par la lumière du lampadaire…
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Cette histoire n’est pas de moi. Vous la trouverez dans de nombreux sites WEB traitant de psychologie constructiviste. Difficile de connaître l’auteur, il semble que ce soit Paul Watzlawick (sans certitude). Ce psychologue est l’un des fondateurs de l’école de Palo-Alto. (Je vous invite à lire «La réalité de la réalité», livre qui explique de quelle manière nous construisons notre réalité, pensant que c’est la seule, et passant à côté de nombreuses autres !).
Du coup, je vous dois une histoire !
Alors voilà… J’ai pris le temps de raconter «le théorème du lampadaire» à mes enfants, et je leur ai demandé ce qu’ils en pensaient :
- Ma fille de 6 ans m’a avoué qu’elle n’a rien compris !
- Ma fille de 8 ans, m’a dit qu’elle trouvait ça drôle…
- Sa grande sœur (bientôt 10 ans) m’a dit : «je suis sûr qu’il y a un jeu de mots entre la lumière et l’obscurité, il faudrait que je la réécoute»
- Mon fils, 12 ans et demi, n’en pensait rien… Il faut dire qu’il sortait d’une partie de Minecraft en réseau…
J’ai donc décidé de leur donner un coup de pouce, leur proposant de remplacer la clef par autre chose… Quelque chose d’important, car lorsqu’on raconte une histoire avec une clef, c’est hautement symbolique. C’est alors que mon fils remplaça la clef par l’Amour, faisant l’admiration de sa sœur qui lui a dit «bien joué ! Je n’aurais pas trouvé mieux…».
J’ai repris la parole :
– C’est un homme qui perd l’Amour de sa vie… La seule femme qu’il n’ait jamais aimée. Il la cherche sous «un lampadaire». Euh… Par quoi pourrait-on remplacer «le lampadaire ?»
– Un bar ?!! Il va se saouler tous les soirs parce qu’il est triste ! Et il voit sa femme partout… Me propose mon fils.
– Bonne idée ! Donc il va là où il y a de la lumière, des gens, du bruit… Il rencontre plein de compatissants qui lui disent «une de perdue, vingt de retrouvées…», «toutes les mêmes !», «t’es pas le premier et tu ne seras pas le dernier…», «faut pas les laisser sortir, faut les garder à la maison !», «je savais bien que ça ne pourrait pas durer entre vous deux», etc. Plein de choses qui n’arrangent pas sa vie, mais il est complètement hypnotisé par tout ça, et il reste planté là… Soudain, arrive l’autre homme, celui qui pose des questions :
– Comment as-tu perdu ton Amour ?
– Elle m’a quitté pendant les vacances !
– Ah… Et ça avait bien commencé ces vacances ?
– Bein en fait, je l’ai emmenée en Italie, et j’ai dû rentrer parce que j’avais du travail !
– Comment as-tu appris qu’elle ne t’aimait plus ? Elle te l’a dit ? Elle te l’a écrit ? Quelqu’un d’autre te l’a révélé ?
– Je l’ai appelée au téléphone pour prendre des nouvelles, et elle m’a dit que c’était fini. Qu’elle a rencontré un autre homme !
– Elle avait l’air heureuse, malheureuse, indifférente ?…
– Elle a pleuré 2 ou 3 fois, et puis elle a raccroché !
Les questions continuent… Mais plus l’homme raconte son histoire, plus il est malheureux. Une histoire d’Amour comme celle-là, il n’en vivra jamais d’autres… Le curieux reprend ses questions :
– Depuis quand est-elle rentrée ?
– Elle est toujours en Italie… Elle revient la semaine prochaine !
– Mais alors ? Puisque ton Amour est en Italie, que fais-tu dans un bar parisien ?
– Mais parce que dans ce bar on me dit plein de choses qui me font du bien, alors que si je vais la retrouver, elle va me dire plein de choses qui me feront mal !
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- Ma fille de 6 ans m’a dit qu’elle comprenait cette histoire, mais toujours pas l’autre !
- Ma fille de 8 ans, m’a dit que cette histoire était moins drôle que la première…
- Sa grande sœur (bientôt 10 ans) m’a dit : «Il est complètement bête ! En réalité elle n’a rencontré personne, c’est juste un test pour le rendre jaloux ! Il n’est pas prêt de retrouver ses clefs celui-là non plus !»
Ça fait plaisir ces rapprochements… Mais c’est la réponse de mon fils qui m’a rempli de joie. Il m’a regardé avec admiration et m’a dit :
– Papa, tu es capable de remplacer la clef par n’importe quoi en deux minutes ?
– Pas par n’importe quoi ! Uniquement par des choses qui ouvrent des verrous…
– Et l’Amour ça ouvre des verrous ? C’est toi qui a décidé ça !
– C’est vrai ! Et je suis sûr que dans Minecraft aussi, la solution se trouve dans une zone non éclairée…
– Oui, m’a-t-il répondu, il faut creuser ! Mais si t’es malin tu fabriques des torches avec du bois et du charbon…
Bon… J’avais envie de l’embarquer dans une nouvelle métaphore, mais j’ai estimé que ce serait trop pour une seule journée. Avec des adultes, c’est différent. A vous de jouer !
A++
Stéphane SOLOMON