Lorsque j’étais en classe de 4ème, j’avais «de bonnes notes» en mathématiques : entre 12 et 14 sur 20. J’en étais fier, mais mon père me demandait pourquoi je n’avais pas 20 ! Je lui répondais que c’était difficile !
– Ah bon ? Il n’y a personne dans ta classe qui a 20 sur 20 ?
– Si, il y a Yvon… Mais lui, il est trop fort !
– Demande-lui comment il fait !
– Tu crois que je peux avoir 20/20 si je fais comme lui ?
– Je crois que si tu vises la meilleure note, tu auras bien plus que 14 !
J’ai donc demandé à Yvon comment il faisait, et pendant des semaines, on a travaillé les maths. Même en dehors de l’école nous parlions de mathématiques. C’était devenu notre VALEUR.
A la fin du deuxième trimestre, j’ai visé 20, et j’ai obtenu un beau 18 ! J’ai dit à mon père que j’ai réussi ! Il m’a alors répondu :
– Au lieu de viser 20, vise 25 !
J’ai commencé par rire, parce que je croyais qu’il plaisantait. Mais il a gardé son air sérieux… J’en ai parlé à Yvon qui m’a dit que c’était impossible ! On ne peut pas avoir 25 sur 20. J’ai donc entrepris de viser la note de 25 secrètement dans mon esprit, puisque mon modèle et confident en mathématiques, n’y croyait pas lui-même.
Le troisième trimestre venait de commencer avec un nouveau contrôle. Avant de rendre nos copies, Madame LECONTE (la professeure de mathématiques, que nous appelions «Leconte est bon», parce que c’était inévitable…), a pris un ton grave et nous a fait part d’un dilemme auquel elle a dû faire face :
– Vos notes sont catastrophiques ! Il n’y a que 3 élèves qui sont allés jusqu’au bout dernier exercice, et seulement 5 qui ont une note au dessus de la moyenne… Mais j’avoue que j’ai choisi des exercices difficiles. J’ai donc décidé de changer le barème : il y avait 5 exercices, chacun devait être noté sur 4 points, j’ai décidé de les noter sur 5 points… Pour ne pas pénaliser ceux qui sont allés jusqu’au dernier exercice et qui l’ont réussi, j’ai quand même attribué 2 notes au dessus de 20. Il y a un 25/20 et un 21/20… Ils compteront dans la moyenne du trimestre.
Tout le monde s’est retourné vers Yvon, puis vers moi… Yvon faisait le faux modeste… Moi, j’étais sûr d’avoir mon 25 ! L’occasion était trop belle ! Madame LECONTE décida de rendre les deux meilleures copies enfin de distribution… J’ai alors compris que malgré ma certitude, le doute subsistait sous forme de «non-doute» : à chaque fois qu’elle prenait une copie dans les mains et qu’elle me regardait, je me disais intérieurement :
– Non ! Ca ne peut pas être la mienne ! J’aurai mon 25 !
Yvon a remporté la note de 25/20, et je m’en suis sorti avec 21/20… Quelle déception à une «identité remarquable» près… Mais Yvon m’a dit une chose qui m’a immédiatement remonté le moral :
La prochaine fois que tu me diras un truc absurde, rappelle-moi que je dois te croire !
En présentant mon 21 à mon père, je lui ai raconté toute l’histoire. Il était content : J’ai vu des pépites dans ses yeux… Puis il m’a dit :
Tu vois, lorsque tu crois fort en quelque chose, cette chose devient possible. Tu ne seras pas toujours le premier bénéficiaire, mais l’important c’est que ça profite !…
———–
Le changement de barème est une chose très rare, mais connue : tout le monde l’a vécu une ou deux fois dans sa scolarité (ça m’est arrivé une deuxième fois en classe de seconde). Un 25/20 ne relève donc pas de la magie, c’est tout à fait possible. Malgré tout, ça dépasse le réel lorsque les règles d’un monde plus rigoureux vient s’en mêler… Dans ce cas on reste juste EXCELLENT.
En ce qui me concerne les règles rigoureuses de l’académie m’ont été plutôt profitables : suite à ce contrôle, j’ai eu un 19/20 et deux fois 20/20. Avec mon 21/20, j’ai pu afficher sur mon bulletin la moyenne de 20/20. Yvon a enchaîné des 20/20 comme à son habitude, ce qui lui faisait une moyenne de 21,25 grâce à son 25/20… Mais la note académique ne pouvant dépasser 20, il a eu la même note que moi sur le bulletin : 20/20… Ceci rejoint sa croyance : impossible d’avoir plus de 20/20, m’a-t-il dit… Mais je suis sûr que depuis cet événement, nourrissant de nouvelle croyances, Yvon a réussi à dépasser les limites académiquement reconnues.
Au delà de l’historie en elle-même et de l’énumération des événements concrets, il y a ce qu’on peut ressentir lorsqu’un sceptique vous dit :
La prochaine fois que tu me diras un truc absurde, rappelle-moi que je dois te croire !
Ça m’a vraiment marqué cette Reconnaissance. C’est comme si j’avais eu 30/20 ! D’une certaine manière, j’ai donné à Yvon la capacité d’y croire ! Ajoutez ça à son excellence et imaginez !…
Et puis il y a eu l’enseignement de mon père, qui me sert de morale à cette histoire :
Tu vois, lorsque tu crois fort en quelque chose, cette chose devient possible. Tu ne seras pas toujours le premier bénéficiaire, mais l’important c’est que ça profite !…
Je n’ai pas tout de suite pris conscience de la portée de cette phrase, mais je pense que mon subconscient a fait le nécessaire pour qu’elle m’accompagne. Combien de fois avez-vous cru en quelque chose, et malgré cette croyance, cette foi ardente, vous avez obtenu des résultats inférieurs à vos attentes ? Ceci peut vous amener à déduire, que la foi n’est pas un vecteur de réussite… Que ce sont des histoires à dormir debout !
L’enseignement de mon père apporte une dimension plus holistique :
Ma croyance a créé un événement remarquable global : toute la classe en a profité. D’un point de vue du ressenti, il est même possible qu’un élève qui n’a jamais eu la moyenne, mais qui a pu y accéder ce jour-là, ait vécu un moment de transcendance équivalent à celui d’Yvon. Pour ma part, espérant la note maximum annoncée, j’ai été déçu (pendant un instant). Mais mon père m’a invité à observer autour de moi, et à constater que j’étais l’acteur principal de la réussite de plusieurs élèves. Ça change complètement l’Histoire…
A++
Stéphane SOLOMON