Le Temps-Chouquette
Vendredi dernier, j’ai accompagné ma fille (11 ans) au collège en début d’après-midi. Je le fais souvent, car c’et le jour où je ralentis progressivement la cadence de ma semaine. Comme il fait soleil, nous décidons d’y aller à pieds. Sur le chemin, nous révisons quelques techniques de mémorisation et des méthodes de calcul mental.
20 minutes plus tard, arrivés près du collège, je l’embrasse et je repars dans le sens inverse. Je transpire la Gratitude…
Soudain, j’entends la voix de ma fille derrière moi :
– Papa, papa !
Elle pleure ! Elle sanglote même…
– J’ai oublié mon carnet de correspondance !
– Et c’est pour ça que tu pleures ? Tu m’as fait peur !!!
– Mais tu ne te rends pas compte… C’est une catastrophe !
– Calme-toi ma chérie. Au pire, qu’est-ce que tu risques ?
– Je ne sais pas !!!
– Est-ce qu’ils vont te pendre au milieu de la cour devant toute la classe ?
– Non mais papa, mais tu ne te rends pas compte !!!
– Viens avec moi !
Nous nous dirigeons vers l’établissement. Lévanah a le cœur à 200 à l’heure. J’essaye de la rassurer du mieux que je peux. J’entre avec elle dans le bureau de la vie scolaire. Je m’adresse à la surveillante :
– Bonjour Monsieur
– Ma fille a oublié son carnet de correspondance à la maison. Comment ça se passe ?
– Malheureusement elle aura 2 heures de retenue.
– Ah… Et est-ce que je peux faire quelque chose pour lui épargner ça, puisque je suis là ?
– Non. Le règlement est le même pour tout le monde.
– Ah… Et si elle revient avec moi à la maison pour récupérer son carnet de correspondance, et je lui fais un mot d’absence ?
– Euh… Dans ce cas elle n’aura pas de sanction
– Elle va juste rater son cours d’histoire…
– Oui…
– Bien ! Lévanah, viens ma chérie, on rentre à la maison récupérer ton carnet, et tu n’auras qu’une heure d’arts-plastiques cet après-midi.
Nous sortons de l’école. Lévanah rit aux éclats… 10 minutes plus tôt c’est tout un monde qui s’écroulait.
J’aime la résilience des enfants… Pour m’assurer qu’elle soit totale, je m’arrête dans une boulangerie et je lui achète des chouquettes.
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Et si vous ajoutiez davantage de temps-chouquettes dans votre vie ?
A++
Stéphane Solomon
j’ai toujours du mal à accepter ces réponses “dura lex, sed lex”!!!
Comment aurait réagi l’enseignant si vous aviez proposé d’ aller rechercher vous même ce carnet de correspondance?
Bonjour Jean-Marie,
Ce n’est pas un enseignant, mais une surveillante.
Le carnet doit être présenté à l’entrée. Si l’enfant ne l’a pas, il passe par le bureau de «La Vie Scolaire» pour avoir un papier (qui lui permettra d’aller en classe).
Certaines écoles sanctionnent, d’autres mettent des avertissements (une croix, puis 3 croix = une heure de colle), d’autres expliquent les conséquences aux enfants (de façon plus ou moins moraliste).
Je ne savais pas comment les choses allaient se passer. Ma faille savait que c’était «grave», parce qu’elle voit régulièrement des camarades à elle se décomposer devant la grille. Je m’attendais à ce qu’un premier oubli (depuis septembre) soit toléré, d’autant plus que j’étais là (le carnet de correspondance sert à faire la liaison avec les parents). Mais ça n’a rien changé.
Quand on ne peut pas changer le monde extérieur, on change le monde intérieur. Et là on redevient capitaine de sa vie.
Les chouquettes étaient meilleures que d’habitude. 😉
la preuve d’un monde absurde!
Comme je l’ai écrit ci-dessus :
Quand on ne peut pas changer le monde extérieur, on change le monde intérieur. Et là on redevient capitaine de sa vie.
Comment voulez-vous que nos enfants soient logiques et non stressés…!
Vous avez très bien réagi. Le calme est nécessaire mais pas facile à garder. Bravo d’avoir transformé la panique de votre fille en une véritable joie et complicité. Je pense que maintenant, elle saura prendre du recul par rapport à certaines situations. 🙂
Voilà un commentaire comme je les aime ! Pas tant pour être adulé, mais surtout parce que vous mettez l’accent sur le positif. Les absurdités des «pouvoirs en place» sont moindres lorsque nous savons prendre un «temps-chouquette».
Merci.
l education nationale est souvent militaire dans son fonctionnement ( pas d exeption !!! tous pareil !!) apparement cette petite fille n a pas l habitude d oublier son carnet ?!!
le terrorisme relationel est omnipresent dans les rapports humains specialement d adulte a enfant ! rigidite mentale autoritarisme pour mieux dominer !!HELA CASSE le merveilleux joyau interieur des enfants !! les adultes sont souvent tres depourvu ; desemparer face a l education PAS DE RESSENTIT qui est SYNONYME DE FAIBLESSE ! BRAVO AU PAPA helas tous les enfants n ont pas la chance d avoir un parent BIENVEILLLANT AIMANT ! MAIS cette nouvelle generation arrive avec une autre conscience ( qui dapasse celle des adultes ! DONC EUX N ACCEPERONT PAS les croyances limitantes ! faisons leur confiance et apprenons des enfants ! C EST TELLEMENT PLUS VIVANT QUE DANS LES LIVRES .
Oui… J’apprends de mes enfants tous les jours.
J’ai même fait cesser des douleurs physiques (dans mon dos) en observant ma petite dernière apprendre à marcher. J’ai réappris à marcher avec elle, et j’ai reprogrammé l’équilibre de ma chaine musculaire.
Je ne pense pas que la nouvelle génération soit plus consciente que nous à la naissance. Je pense que la nouvelle génération de parents se laisse moins influencer par les éducateurs tiers.
J’ai un ami qui n’a pas supporté qu’une institutrice ait traité son enfant de «cancre». Il a fait changer d’école au petit. Il est désormais premier de la classe… Comme quoi, lorsque les parents font acte de bravoure (parfois une bravoure ordinaire), ça touche les enfants en profondeur, et c’est là qu’ils deviennent plus conscients.
Pourtant, un papa en chair et en os, ça aurait dû valoir un carnet de correspondance ;-)) Voilà une petite fille qui n’avait pas l’habitude de franchir la ligne jaune et qui tendait à être irréprochable… Elle a grandi depuis et avec un papa aussi bienveillant, elle doit avoir appris, en douceur, la différence entre responsable et coupable !
Je viens de visionner le replay du webinaire du mercredi 14, et l’histoire du choix des parents m’a beaucoup touchée. Arriver à redonner un sens à une histoire de vie aussi douloureuse, c’est magnifique. C’est tellement vrai que le rôle de victime est négatif et n’apporte aucune solution de rebond ! Alors pour une vraie victime, quel tour de force que d’arriver à se remettre sur son locus interne (en français, ce ne serait pas “reprendre sa vie en main” ?), chapeau….
Cette idée d’avoir choisi ses parents, c’est très inspirant. Stéphane, ta fille a choisi de très bons parents : ne serait-elle pas un peu égoïste ? C’est en tout cas la réflexion que je me suis faite pour moi-même, car si je devais choisir maintenant, je me précipiterais chez mes parents ;-)). Jusque là, je me croyais juste chanceuse (gratitude …) mais maintenant, je me dis que si c’est moi qui ai choisi ce bon plan, c’est quand même pour en faire quelque chose de formidable..alors cela me donne matière à réflexion !!!!
Pour en revenir au sujet du webinaire “c’est pas moi, c’est l’autre”, je suis très contente de voir exposer ce que je pensais être très pragmatique : si les autres sont responsables de mon sort, je ne peux rien faire pour l’améliorer tandis que si je suis responsable, les solutions sont dans ma main ; j’ai toujours pratiqué le locus interne, comme Mr Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Mais il y a évidemment un peu plus dans les notions qui nous ont été présentées. J’ai notamment repéré le “responsable mais pas coupable” qui m’a rendue consciente d’un de mes handicaps qui est de faire souvent glisser la responsabilité vers la culpabilité.
Merci Stéphane. Une petite question pour terminer : on peut PWYW en replay ? Question idiote bien sûr, puisque je n’ai qu’à essayer ! Il est donc temps d’aller dormir ..
Je découvre cet article et il me touche beaucoup. La positivité face à l’absurde et je pousserais même: face à l’adversité. C’est quelque chose qui m’était assez facile mais que j’ai perdu ces derniers temps… Merci pour ce beau rappel!
Trans former un temps maussade en un temps partagé et intense est juste magique et inoubliable. C est aussi le rôle du leader de protéger, de montrer d autres chemins, de les assumer, de rendre intéressant, motivant et agréable ce qui pourrait ne pas l être.
Exactement je pense que le papa a sut faire ce qu’il fallait pour apaiser la douleur de sa fille et en meme temps il est rentrer dans l’univert de sa fille et a cree encore plus le lien entre lui sa fille et l’école
[…] Le Temps-Chouquette […]
Choisir et non subir. Et savoir tirer les opportunités d’une situation en toute circonstance. Je retiens pour me faire des chouquettes à la prochaine occasion ;-). Merci Stéphane 🙂
Toujours aussi bon le temps-chouquettes.
Même si celui-ci est une façon de transformer un événement négatif en positif, il commence tout de même par une rebellion, rebellion ou révolte souvent vu comme un élément négatif.
Sans rebellion, dans ce cas présent celui de ne pas accepter le système de sanction ridicule en place, sans donc conscience que quelque chose ne tourne pas rond, pas de temps-chouquettes!
La révolte, surtout les petites révoltes, sont une énergie formidable. L’important devenant dans ton exemple de convertir cette énergie en un temps-chouquettes plutôt qu’en une agressivité vis-à-vis de la surveillante.
Le temps-chouquettes fait partie de ma vie depuis maintenant ta première publication. Je t’en serai éternellement reconnaissant.
Encore un exemple ce vendredi, et dans le milieu scolaire aussi. J’ai du aller chercher à l’école ma fille à midi car “malade”. En fait, j’ai vite compris que c’était malade en solidarité avec une copine vraiment malade, qui quitte l’établissement deux secondes avant que j’arrive dans le bureau. Mais l’institution est rigide : si tu dis que t’es malade alors “t’assumes” (elle a 6 ans…) et tu rentres à la maison.
Et pourtant, c’est une très bonne école. Comme quoi, les délires ont la vie dure.
> Transformé en temps-chouquettes, ça donne : “Vient ma fille, ne pleure pas, on va aller regarder les derniers épisodes des Cités d’Or à la maison.” S’en suivra aussi une discussion productive sur la solidarité et la vérité plutôt que l’enfermement dans un petit mensonge qui devient trop grand.
Et un message gentil à la maitresse pour lui rappeler que la solidarité, même détournée, n’a pas à être sanctionné.