Au mois juin dernier, la classe de maternelle de ma fille organisait une sortie au jardin des plantes. La maîtresse m’a demandé si j’étais disponible en tant qu’accompagnateur, et j’ai dit oui !
Le jour J, la maîtresse me confie ma fille ainsi que deux garçons adorables, légèrement excités par la perspective de sortie. Je fais connaissance avec mes protégés, et nous prenons le car direction Vincennes. Je remarque qu’à part moi, il n’y a qu’un seul autre papa (et 6 mamans) qui accompagnent les enfants, et je le regrette un peu… J’entre dans des pensées philosophiques que je vous livrerai volontiers dans un autre article.
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Après une journée bien remplie, nous reprenons le car pour revenir vers l’école. L’autre papa vient s’asseoir près de moi pour me parler. Il entame le débat :
– Vous savez que vous avez de la chance ?
– Ah oui ! Ça, je le sais ! Mais vous aussi vous avez de la chance : votre fille est très mignonne, très intelligente, espiègle, adorable…
– Je ne parle pas de ça. Bien sûr que nous avons de la chance d’avoir de si merveilleux enfants.
– Ah alors vous parlez de ma femme ?
– Mais non arrêtez ! Je vous parle des enfants que vous avez eus à garder : la maîtresse vous a confié les plus sages ! Dès que vous leur demandiez de se tenir la main, ils le faisaient ! Moi, il fallait que je leur coure après !
– Je ne suis pas sûr qu’il s’agisse de chance.
– Comment ça ?
– Vous avez une fille unique ?
– Oui
– J’ai 5 enfants. J’ai appris à gérer… Alors que pour le moment vous n’avez pas cette expérience. En plus, j’ai eu 2 garçons, donc je sais leur parler. Ce n’est pas du tout la même Energie avec les filles…
– Donc vous ne voulez pas admettre que vous avez de la chance ?
– Si !!! Ma chance, dans ce contexte, c’est d’avoir une famille nombreuse…
– Et vous ne pensez pas que la maîtresse vous a confié les deux crèmes de la classe ?
– C’est possible aussi parce que nous avons sympathisé depuis longtemps. Elle aime mon sens de l’humour, je fais souvent de sorties scolaires, et elle a eu mes 3 filles successivement dans sa classe. Donc elle est peut-être aux petits soins pour moi… Mais même dans ce cas, ma chance tient à la relation qui a permis cette délicate attention.
L’homme semble déçu par mon manque de foi en ma chance. Il entreprend une dernière tentative :
– Il y a un autre truc qui m’a fait penser que vous avez de la chance, et là, vous ne pourrez pas me contredire…
– De quoi s’agit-il ?
– Lorsqu’on lâchait la main des enfants, il fallait continuer à les surveiller, alors qu’ils partaient dans tous les sens. Je reconnais facilement ma fille dans la foule, donc je la repérais rapidement. Mais pour les garçons c’était plus dur ! Il fallait que je me souvienne comment ils étaient habillés et je les confondais avec d’autres… J’étais en panique ! Alors que vous, vous étiez tranquille, et je viens de comprendre pourquoi : ils ont tous les deux la même casquette ! Vous pouviez donc les repérer d’un seul coup d’œil.
Amusé par ce qu’il venait de dire, j’acquiesçais d’un sourire. Il fallait bien se rendre à l’évidence : j’ai eu de la chance ! Ces casquettes m’ont beaucoup aidé. Il y avait seulement deux enfants qui portaient une casquette verte avec un logo identique facilement reconnaissable, et il se trouve justement qu’ils étaient sous ma garde… un sacré coup de bol !
Je réfléchis quelques secondes, puis avec une grande sincérité et un sentiment de plénitude, je réponds au jeune papa impatient de recevoir sa réponse :
Arrivés près de l’école, nous reprenons une dernière fois les enfants par la main pour les accompagner jusqu’à la classe. Nous sommes juste à l’heure : quelques parents nous attendent pour récupérer leurs chérubins. J’entre dans la classe avec ma fille et ses deux petits copains. L’autre papa en fait autant, reste 2 minutes pour vérifier qu’il n’a rien oublié, et repart avec sa princesse.
Avant de quitter les lieux, il lève les deux pouces qu’il dirige vers moi et me fait un énorme sourire pour me rappeler que j’ai de la chance !
Je lui rends son sourire, puis attendant qu’il soit assez loin, je m’adresse aux deux petits garçons que j’ai accompagnés :
– Luka, Ryan, vos parents vont arriver… Vous pouvez me rendre les casquettes que je vous ai prêtées ce matin !
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Lorsque je raconte cette histoire en conférence ou en formation, après un bon moment à rire de bon cœur avec le public, la même question revient systématiquement :
- Pourquoi n’avez-vous pas dit à cet homme que ce n’était pas de la chance, et que c’est vous qui avez prêté ces casquettes aux enfants… ?
Ah oui… Pourquoi à votre avis ?
- Pourquoi l’ai-je laissé partir avec une «fausse croyance» ?
- Pourquoi ai-je écrit ci-dessus que je lui ai donné ma réponse «avec une grande sincérité et un sentiment de plénitude» ?
Je vous laisse commenter et éventuellement répondre aux questions.
Je vous raconterai le dénouement après vos interventions, sachant qu’il n’y a pas de réponses idiotes puisque ma question est «Pourquoi à votre avis ?»
En donnant votre avis, votre réponse à cette question sera toujours juste 😉
A++
Stéphane