Ça aussi c’est pour mon bien

Dans mon article «compte-rendu», je vous ai fait part du résultat d’une première expérience sous deux angles : le premier angle décrivait une catastrophe, le deuxième faisait état de débuts prometteurs. En théorie, il faut être au moins deux pour pouvoir alimenter des idées contraires (ou qui semblent l’être). En commentant mes propos, j’ai utilisé le mot AMBIVALENCE. Voyons de quoi il s’agit, et surtout, en quoi l’ambivalence peut vous être utile.

Ambi-Valence

En décomposant le terme, on obtient AMBI et VALENCE. Le préfixe AMBI signifie les deux à la fois (un ambidextre est à la fois gaucher et droitier). Le mot VALENCE est plus complexe. Vous pouvez vous référer à Wikipédia et à Google pour approfondir le sujet. Pour ma part, je vais simplifier le sujet pour rester dans notre cadre :

Le mot VALENCE désigne la «qualité» d’une chose soumise à votre perception. Cette «qualité», si on devait la simplifier pour la ramener à quelque chose de binaire, s’exprimerait sous l’une de ces formes :

  • C’est BIEN !

ou

  • C’est MAL !

Mais la valence n’est pas binaire puisqu’elle est soumise à la complexité humaine. C’est un concept extrêmement complexe qui tient compte de vos croyances, vos valeurs, vos jugements, vos réflexions, votre éducation, vos expériences, vos émotions… La somme de tout ça ne s’exprime pas de façon philosophique («bien» ou «mal»), mais sous forme de «bien-être» ou de «mal-être».

La valence est donc le produit de tout ce qui vous habite et qui vous mène vers un état émotionnel.

Pour en revenir à l’AMBIvalence, elle désigne une attitude qui vous mène à percevoir dans une chose précise, à la fois du bien ou du mal. Au-delà du jugement, vous ressentez à la fois du bien-être et du mal-être (que ce soit par la pensée ou par l’action).

Voici quelques expressions que nous utilisons dans un état ambivalent :

  • C’est un mal pour un bien
  • J’ai un sentiment mitigé
  • Le malheur des uns fait le bonheur des autres
  • Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire (Voltaire)
  • Je ne partage pas vos croyances, mais l’enthousiasme avec lequel vous les exprimez m’inspire…

Si vous voulez poursuivre cette énumération dans les commentaires, ça pourrait être très utile à tout le monde (je ne vais pas faire tout le boulot : c’est un coaching, pas une formation). Les expressions comme «nager entre deux eaux» et «avoir le cul entre deux chaises» ne sont pas ambivalentes, car leur but est d’éviter l’engagement. Il n’y a pas de bien-être ou de mal-être, sauf peut-être celui lié à l’indécision.

Idem pour cette perle de Coluche :

Je ne suis ni pour, ni contre… bien au contraire !

Tous schizophrènes !

Le mot «ambivalence» fait partie des nombreux termes inventés par le psychiatre suisse Eugen BLEULER. A l’époque, l’ambivalence désignait un «trouble» qui habitait les schizophrènes et qui les menait inexorablement vers l’autopunition. Mais depuis les années 1950, notamment grâce aux travaux d’Abraham MASLOW et des psychologues de l’école de Palo Alto, bien des découvertes nous ont permis d’apprécier l’idée que nous étions tous capables d’ambivalence pour positiver. Une bouteille à moitié vide est aussi à moitié pleine, et grâce à cette vérité, nous pouvons alterner les valences affectées à l’objet, puis choisir celle qui nous permet d’aller de l’avant.

Grâce à l’ambivalence, le choix devient possible, ce qui permet soit de changer (si un changement paraît pertinent), soit de confirmer sa position. Le simple fait d’avoir le choix provoque des déclics qui engagent à l’action. C’est le sentiment d’avoir le choix qui modifie la valence.

L’ambivalence joue un rôle primordial dans la créativité. Les artistes sont tous ambivalents, à tel point qu’ils sont parfois diagnostiqués schizophrènes… En particulier par les psychiatres qui travaillent en milieu clinique et qui ont oublié de «sortir un peu». L’ambivalence peut donc être considérée comme un trouble psychologique ou comme un outil de coaching. Tout dépend de la valence que vous lui accordez. Vous voulez en faire un outil ? OK ! C’est parti !

Ça aussi, c’est pour mon bien…

Cette phrase est issue du Talmud (ensemble de recueils écrits par des sommités rabbiniques, ayant pour objet de commenter le pentateuque). L’expression «ça aussi, c’est pour mon bien…» est enseignée très jeune dans certains milieux. Elle permet d’ancrer le sentiment qu’un mauvais résultat n’est pas censé nous démoraliser, mais au contraire, enclencher une attitude positive.

La certitude que ce qui m’arrive est  pour mon bien me propose un panel d’actions qui créent du positif. Les choses ne s’arrêtent pas là : je peux transformer l’échec en succès instantanément (perception), je peux corriger le problème (action), et je peux aussi lâcher-prise en attendant de vivre quelque chose de bien, qui ne pourrait pas exister sans la douleur que je ressens dans l’instant présent. Bref : le résultat actuel est intermédiaire, et il ne représente aucunement le résultat final. Ce n’est pas une vérité absolue et mécanique qui concerne tout le monde : lorsque je déclare «ça aussi c’est pour mon bien», je prends une DECISION.

L’expression «c’est un mal pour un bien» est presque équivalente, mais elle contient le mot «mal». Je pense qu’elle est à utiliser uniquement lorsque vous avez la certitude que la chose qualifiée est «mauvaise». A l’inverse, «Ça aussi c’est pour ton bien» ne porte pas de jugement sur l’objet (le «ça»), mais sur notre façon d’interpréter un résultat.

Le «ça aussi» apporte une autre perspective : si je devais vous demander de me raconter un évènement de votre vie, qui vous est apparu comme catastrophique, mais qui à terme, a fait votre bonheur, je suis sûr que nous en aurions pour des heures de partages enthousiastes. En affirmant «ça aussi, c’est pour mon bien», vous ramenez en mémoire des dizaines de souvenirs, qui sont autant de preuves que cette affirmation est fondée sur du concret.

Chaque mot est à sa place dans cette expression. C’est une pensée puissante que vous pouvez utiliser comme affirmation constructive. Vous aurez ainsi la conviction profonde qu’un jour le «ça» qui vous pénalise aujourd’hui mais qui apparaîtra comme salutaire dans quelques temps, deviendra lui aussi une preuve que le principe fonctionne, et deviendra lui aussi un souvenir motivant.

On me demande parfois si la répétition de ce genre d’expression risque de la banaliser. J’ai longtemps cru que c’était le cas, et qu’il valait mieux réserver certaines pensées aux grandes occasions et aux introspections profondes. Mais en voyant les ravages que certaines expressions négatives produisent à force d’être répétées machinalement, j’ai changé d’avis…  Il est évident que les pensées que vous exprimez avec intention, en y mettant tout votre cœur, ont un impact plus puissant que les pensées automatiques auxquelles vous accordez peu d’énergie. Mais ces automatismes de pensée vous dirigent vers des automatismes d’action. La répétition finit par créer une conviction, de la même façon que des gouttes d’eau qui tombent sur une roche finissent par la transpercer.

«Ca aussi, c’est pour mon bien…», vous permettra d’avancer, même automatiquement. Mais lorsque vous vous autoriserez à vous arrêter sur cette pensée, vous aurez accès au niveau supérieur : celui de peaufiner votre ambivalence, et donc votre créativité.

La créativité est souvent LA SOLUTION au problème. Elle crée un deuxième résultat qui fait du premier un simple accident de parcours.

A++

Stéphane SOLOMON

6 réflexions au sujet de « Ça aussi c’est pour mon bien »

  1. L’ensemble de ce texte est bien plus que Ambi – valent !

    Il n’est pas uni-valent !

    Même pas bi-valent !

    Mais bel et bien poly-valent.

    Merci de ré-attaquer aussi fort après une pause bien méritée.

    A++.

  2. Hello,
    C’est ce que je pourrai appeler  » la politique du chat  » .Politique que j’ applique en crème de jour.Une façon de retomber sur ces pattes en offrant du baume au cœur.
    Qu’il est bon de retrouver sa part de création. Merci !

  3. En voilà un bel outil : « ça aussi, c’est pour mon bien! »
    De retour de vacances bien méritées et belles à souhait, je découvre cet article riche et efficace.

    Il me ramène à une certaine forme d’épanouissement qui permet à un être humain de choisir l’ACCEPTATION de ce qui EST dans son environnement (expérience, résultat) plutôt que de fonctionner en pilote automatique et de fonctionner en mode REACTION.

    L’ACCEPTATION permet de mieux cerner la MANIFESTATION de ce qui vient de se produire pour ce qu’elle est, de la contextualiser et d’AGIR « pour mon bien » s’il en est besoin.

    Mais tous ces concepts sont un peu lourds à digérer pour le non initié et une phrase telle que « ça aussi, c’est pour mon bien! » est diablement efficace.
    – elle projette une énergie positive ‘pour mon bien »
    – allège un poids émotionnel (pour sortir du mode réactif)
    – permettant une analyse plus sereine de la situation en multipliant les facettes d’interprétations possibles (au moins deux…)
    – donc un choix plus éclairé pour l’ACTION (ou la non action)

    Quant à l’AMBI latin (du grec amphi :double, de part et d’autre, autour), qui utilisé en préfixe peut supposer une dualité (bien/mal…) dans une approche simplifié OU une notion plus riche d’environnement (tout autour), son association avec la VALENCE nous amène à nous interroger sur les potentialités (forces, énergies) dégagées par la manifestation.
    Cette approche multiple de l’interprétation d’une manifestation nous permet de relâcher l’énergie du phénomène psychologique EMOTION et d’ouvrir le champ des interprétations possibles.Quant à la suite à donner ou à la non suite, cela devient une histoire de CHOIX…

    Dans tous les cas, « ça aussi, c’est pour mon bien! » me plait beaucoup 🙂 🙂 🙂

  4. Je ne sais pas pourquoi la maxime « ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort » raisonné dans ma tête . C’est pourtant bien différent du thème.
    C’est aussi un sacre boulot sur soi. Car la fragilité et la crainte tendent tout de même à s’installer encore plus profondément dans l’inconscient avec le souvenir des douleurs éprouvées qui ensuite nous empêchent de recommencer avec confiance …..

  5. Les passages difficiles ne sont que des étapes, j’en ai déjà vécu pas mal et je n’ai jamais laissé tomber mais j’ai connu des moments de découragement. Avec le « ça aussi, c’est pour mon bien », je vais accroître ma capacité à rebondir tout en devenant plus philosophe même si j’utilisais déjà souvent la formule « c’est un mal pour un bien »

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